Fractions et nombres décimaux à l’école

Voici un petit retour de l’animation pédagogique du mercredi 11 avril 2018 et de celle du 20 juin 2018. Celles-ci étaient liées au parcours m@gsitère Fractions et nombres décimaux à l’école.

(Re)penser l’enseignement des fractions et des nombres décimaux à l’école

Pourquoi (re)penser l’enseignement des mathématiques à l’école ? Le déploiement du plan national pour les mathématiques décidé en 2017 est une conséquence des enseignements révélés par les enquêtes internationales et nationales quant aux compétences réelles de nos élèves à la sortie de l’école.

Comment (re)penser l’enseignement des fractions et de nombres décimaux au cycle 3 ? Nous avons choisi ici d’interroger les pratiques de classe et de les croiser avec les résultats de recherches didactiques pour en tirer quelques principes et invariants. Ces principes généraux peuvent servir de base à toute réflexion de cycle sur le sujet.

Le point sur les connaissances des élèves

Quelques enseignements de l’enquête TIMSS

Trends in International Mathematics and Science Study (TIMSS) est une enquête internationale sur les acquis scolaires, coordonnée par l’International Association for the Evaluation of Educational Achievement (IEA). Elle porte sur les mathématiques et les sciences.

L’enquête de 2015 place la France en queue de peloton, comme l’indique le graphique suivant qui se passe de commentaires :

TIMSS 4 2015 Score généraux

Il faut tout de même savoir que cette enquête évalue les compétences des élèves dans leur 4ème année de scolarité obligatoire (en France, cela correspond à l’année de CM1) et sur des compétences qui ne sont pas forcément scolaires mais qui relèvent plutôt de ce que l’on appelle la culture mathématique et scientifique.

Une lecture plus complète des résultats de 2015 est parue sur le site du ministère, vous pouvez la lire ici : TIMSS 2015, évaluation internationale des élèves de CM1.

Quelques enseignements de l’enquête CÈDRE

L’enquête Cèdre est une enquête nationale menée par la DEPP (La direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance exerce ses compétences d’évaluation et de mesure de la performance dans les domaines de l’éducation et de la formation. Elle contribue à l’évaluation des politiques conduites par le ministère de l’éducation nationale). Elle vise à connaître les performances des élèves en fin de CM2.

Elle propose un classement des élèves testés en cinq groupes, chacun ayant un profil différent. Voici le descriptif de chaque groupe.

Groupe 5 10,2 %

Ces élèves manient habilement les concepts mathématiques de fin d’école primaire. Cela leur permet de prendre du recul dans les situations nouvelles proposées, de gérer une masse d’information plus grande, de sélectionner les éléments utiles de ceux accessoires, d’imaginer des solutions et de produire un travail en autonomie. Quelques items leur résistent : il s’agit d’items dont les notions seront revues ultérieurement au collège (formules de solides ou calcul de vitesse moyenne). Ces élèves font preuve d’expertise dans les compétences et connaissances de fin d’école primaire, ils maîtrisent tous les champs du programme et font preuve de capacité d’abstraction, de rigueur et de précision. Ces élèves ont acquis l’ensemble des connaissances et des compétences exigibles en fin d’école primaire.

Jalons : Connaissances et utilisation des nombres décimaux et des fractions — Maîtrise des quatre opérations — Réussite aux problèmes ayant trait à la proportionnalité sans passage par l’unité — Construction de la hauteur d’un triangle — Productionde réponses argumentées en autonomie — Tout type de conversions

Groupe 4 18,8 %

Ces élèves sont capables de faire un traitement fin de l’information, de réussir des problèmes utilisant la proportionnalité lorsque les mesures de longueur sont explicites, et lorsque la relation additive est évidente. Ils sont capables de mettre en oeuvre des stratégies évoluées, de résoudre des problèmes complexes et de produire des réponses en autonomie pour des situations peu fréquentes en classe. Ces élèves ont acquis la majeure partie des connaissances et des compétences exigibles en fin d’école.

Jalons : Connaissance et utilisation des nombres décimaux et des fractions — Maîtrise des quatre opérations — Réussite aux problèmes ayant trait à la proportionnalité sans passage par l’unité — Construction de la hauteur d’un triangle — Productionde réponses argumentées en autonomie — Tout type de conversions —

Groupe 3 28,6 %

Ces élèves ont une connaissance solide des nombres entiers et une première connaissance stable des nombres décimaux. Ils ont une pratique du calcul avec les quatre opérations et manient des notions comme le double et la moitié d’un nombre, le tiers d’un entier et le multiple de trois. S’ils sont capables de résoudre des problèmes de proportionnalité qui ne mettent pas en jeu des unités spécifiques, leurs acquis restent fragiles lorsqu’il s’agit de produire en autonomie une réponse. Ils font preuve d’une première culture mathématique et d’une bonne connaissance du vocabulaire spécifique en géométrie. Ces élèves maîtrisent une grande partie des connaissances et des compétences exigibles à la fin de l’école.

Jalons : Relations arithmétiques entre les nombres d’usage courant : double, moitié — Nombres décimaux : écritures chiffrées, valeur des chiffres en fonction de leur position — Additions des décimaux — Résoudre les problèmes de partage — Convertir des mètres en kilomètres — Construire une figure symétrique dans le cas d’un axe oblique —

Groupe 2 26,1 %

Ces élèves ont des connaissances sur les nombres entiers qui leur permettent de réussir un certain nombre de problèmes de type additif, voire soustractif, sans étape intermédiaire. Ils complètent une suite de nombres décimaux au dixième avec le passage à l’unité supérieure. Ils sont capables d’identifier des droites perpendiculaires. La réussite à quelques items éloignés des pratiques scolaires montre les premiers signes de transfert de compétences et l’adoption d’une stratégie pour résoudre une situation nouvelle. Ils traitent l’information et sont capables de retrouver un résultat correct, mais ils échouent quand il s’agit de produire une réponse en autonomie.

Jalons : Connaissance du système de numération des nombres entiers — Soustractions à retenues — Perpendicularitéet parallélisme de deux droites — Identification du triangle rectangle et des faces d’un cube à partir d’un patron en croix.

Groupe 1 12,6 %

Ces élèves ont des connaissances des nombres qui leur permettent la mise en oeuvre d’opérations (additions et soustractions), néanmoins l’utilisation des retenues dans la soustraction n’est pas acquise. La construction du nombre en classes n’est pas solide, ils maîtrisent la « comptine » des nombres, mais ils ont des difficultés en dehors de l’ordre croissant. Les réussites observées s’appuient essentiellement sur des automatismes scolaires. Certains de ces mécanismes leur permettent de réussir des problèmes additifs directs qui ne nécessitent qu’une seule étape pour leur résolution. Ils sont capables de mettre en oeuvre des instruments de mesure pour comparer des segments. Ils maîtrisent la lecture de l’heure.

Jalons : Additions avec retenue(s) — soustractions sans retenue — Énumération d’une suite de nombre, ordre croissant. —Lecture de l’heure —

Groupe < 1 3,7 %

Ces élèves peuvent répondre ponctuellement à quelques items simples. Les réussites observées se fondent essentiellement sur des situations ayant trait à la vie courante — « estimer la taille d’objets usuels » —, à des pratiques scolaires ancrées — « repérer si une figure est symétrique par rapport à un axe vertical » —, donner une réponse par lecture directe — « lecture d’un nombre sur une règle graduée » —. Ils maîtrisent très peu de compétences ou de connaissances exigibles en fin d’école primaire.

Jalons : Lecture de nombres sur la règle graduée — Additions sans retenue — Identification de deux droites parallèles isolées —

Voici les scores, en % et dans chaque domaine mathématique, des élèves de chaque groupe :

C’est ainsi que Cédric Vilani peut écrire que 42,4 % ne maîtrisent pas, à la fin de l’école primaire, la moitié des compétences mathématiques requises à l’école : c’est ce que représentent les élèves des groupes <1, 1 et 2 (voir le Rapport de Cédric Vilani, 21 mesures pour l’enseignement des mathématiques)

Les évaluations Cèdre ont été passées en 2008 et en 2014, si la moyenne des résultats est restée stable, on constate un glissement du nombre d’élèves du groupe 3 vers les groupes 2, 1 et <1, comme l’indique le graphique ci-contre :

Dans le domaine des fractions et décimaux, de quoi sont capables les élèves de chaque groupe ? Voici des exemples d’items réussis :

La totalité du rapport de la DEPP est disponible ici : DEPP_dossier_2016_205_551052

À la recherche d’une progressivité idéale

Ce que disent les programmes officiels

Dans les programmes officiels, 16 compétences renvoient directement au champ d’étude fractions et nombres décimaux. Nous avons essayé de voir celles qui seraient plutôt initiées en CM1, en CM2 ou en 6ème.

Ce travail ferait plutôt l’objet du conseil de cycle, voire du conseil écoles-collège, voici les résultats de nos recherches :

02-P1F1- Les 16 compétences – analyse

De cette activité, on retiendra deux choses :

  • Que l’enseignement des fractions et des nombres décimaux commence dès le CM1 et sans attendre la dernière période (on le voit, beaucoup de compétences des instructions officielles peuvent être initiées en CM1)
  • Que l’enseignement des fractions et des nombres décimaux est lié au travail mené sur la numération (des grands nombres), et qu’il n’est donc pas nécessaire d’attendre que le second soit acquis et validé par les élèves avant d’aborder la questions des nombres qui sont entre les nombres (entiers).

Deux exemples de progressions

Les progressions proposée sur Internet ou utilisées dans les classe suivent tous (presque exclusivement) le même schéma :

  1. Découverte de l’écriture fractionnaire des nombres
  2. Découverte de l’écriture fractionnaire des nombres décimaux
  3. Découverte de l’écriture à virgule des nombres décimaux

Si ces trois étapes sont indispensables il ne faut pas imaginer qu’elles sont sécables et étanches les unes par rapport aux autres : ce n’est pas parce que l’on a abordé l’écriture à virgule des nombres décimaux qu’il faut abandonner l’utilisation de leur écriture fractionnaire, les différents systèmes doivent encore cohabiter longtemps dans les pratiques de la classe si l’on veut que les élèves établissent les liens entre eux de manière automatique.

Et du côté des manuels scolaires ?

Les manuels scolaires de mathématiques ont fait l’objet d’une analyse poussée par le CNESCO (Comité National d’Evaluation du Système Scolaire), chercheurs, didacticiens, pédagogues et inspecteurs généraux ont publié la synthèse de leurs travaux ici : Manuels

On remarque que l’édition scolaire propose une grande diversité de manuels, de l’un à l’autre, le temps d’exposition des élèves à la notion – nouvelle pour eux – que constitue celle des nombres décimaux est également variable. Par ailleurs, l’unité de temps du manuel scolaire est l’année scolaire, alors que pour les élèves, c’est le cycle… Aucun éditeur n’en tient compte.

Lors du choix d’un manuel scolaire, il s’agit d’être conscient des limites de celui-ci pour éventuellement palier aux manques que révèlent cette enquête :

  • Proposer des séances de rebrassage des notions nouvelles ;
  • Imaginer une variété des supports de représentation ;
  • Préparer l’apprentissage de la notion nouvelle avec des activités liées à la numération (comme le travail sur la monnaie proposé par ED de l’école de Morbecque) ;
  • S’appuyer sur les acquis du cycle 2 (ce que font rarement les manuels) et ne pas attendre la fin du CM1 pour exposer les élèves à l’écriture fractionnaire, même si c’est ce que le manuel propose.

Le graphique ci-dessous résume les résultats de la conférence de consensus concernant le champ d’apprentissage fractions et nombres décimaux :

Variété et continuité

La profusion de l’offre éditoriale et des ressources disponibles sur Internet invite l’enseignant à faire des choix, et notamment à se poser quelques questions essentielles :

  • La progression proposée par le manuel est-elle construite pour le cycle ou pour l’année scolaire ? (Sachant que 100% des manuels sont écrits pour une année scolaire uniquement)
  • L’approche de la notion de fraction et de nombre décimal arrive-t-elle suffisamment tôt dans le parcours de l’élève (en deuxième période de CM1) ?
  • Les notions et concepts nouvellement construits font-ils l’objet de rebrassages fréquents ?
  • Les représentations de ces notions et de ces concepts sont-elles uniques ou multiples ?
  • Y a-t-il des recoupements avec les autres domaines mathématiques (Calcul, Résolution de problèmes…) ou les autres disciplines (Sciences et technologie, Géographie…) ? Certains manuels écrits par plusieurs auteurs révèlent parfois des incohérences entre la progression de calcul et la progression de numération par exemple.

Les cinq sens de la fraction

La didactique de l’enseignement de la notion de fraction est stable. En voici un très bref résumé :

Le statut de l’erreur

Pour analyser les erreurs des élèves, le document ci-contre présente la liste des obstacles à la compréhension de la notion de fraction chez les CM ainsi que celles des savoirs et savoir-faire recquis pour l’aborder sereinement. Autrement, si ça ne marche pas, on sait pourquoi, on peut alors agir.

06- Fractions et nombres décimaux M Volckcrick, A Kirch, B Wozniak, O Graff – Extrait

Pour aller plus loin

Un ensemble de ressources permettant d’aller plus loin sur le sujet est visible ici :

Fractions et nombres décimaux en CM – site de l’AEFE