Quelques enseignements tirés de TIMSS 2015 – Sylvain Martinez et Éric Roditi – Laboratoire EDA, Université Paris Descartes, Université Sorbonne Paris Cité (synthèse du rapport publié par la DEPP)
Les évaluations TIMSS (Trends in International Mathematics ans Science Study) ont été passées en 2015, en mathématiques, par des élèves de quatrième année d’école élémentaire dans 64 pays, États ou provinces. Voici les résultats condensés d’une recherche qui interroge les liens entre les programmes d’enseignement et les performance des écoliers à ces évaluations dans trois zones géographiques que sont l’Amérique du Nord, l’Asie et l’Europe de l’ouest. Elle est circonscrite au domaine de l’enseignement des fractions dans onze pays, États ou provinces : Angleterre, Corée du sud, Floride, France, Hong-Kong SAR, Irlande du Nord, Ontario, Québec, République d’Irlande, Singapour, Taipei chinois.
La nation de fraction a été choisie car il y a une grande corrélation entre les performances des élèves dans ce domaine et les scores généraux en mathématiques.
Le rapport détaille ensuite la méthodologie utilisée par les chercheurs, dans cet article, nous ne nous intéresserons surtout qu’aux conclusions de ceux-ci.
Ce que TIMSS évalue à propos des fractions
Les chercheurs s’accordent pour dire qu’il y a cinq concepts de fraction :
- La fraction “partie-tout” ou la fraction “partition”, c’est celle que l’on retrouve pour nommer un quart de tarte (1/4).
- La fraction “rapport”, c’est celle que l’on utilise quand on dit qu’il y a 3 femmes pour 2 hommes, sans faire référence au tout.
- La fraction “opérateur”, c’est celle qu’on utilise quand on multiplie une quantité par 1/4 pour calculer 25% de cette quantité.
- La fraction “quotient”, 1/2, c’est le nombre 0,5, 1 que divise 2.
- La fraction “mesure” qui désigne une mesure d’un objet par rapport à une unité donnée.
La fraction “partie-tout” est la plus facile à assimiler. C’est d’ailleurs celle que concernent 13 des 14 items proposés lors de l’évaluation TIMSS. En général, il est demandé aux élèves d’associer une fraction “partie-tout” ou une fraction “partition” à un schéma la représentant.
Voici la liste des items concernants les fractions de l’évaluation TIMSS
Performances suivant les pays et les compétences évaluées
Précocité de l’enseignement et performances des élèves
On ne peut pas réellement faire de lien entre la précocité de l’enseignement des fractions et les performances obtenues. Un constat cependant : c’est en France que cet enseignement débute le plus tard (dans la quatrième année d’école) et que les résultats sont les moins bons.
Adéquation des programmes scolaires au questionnaire TIMSS et performances des élèves
Les programmes scolaires des onze pays étudiés préparent-ils les élèves aux questions posées lors de l’évaluation TIMSS ? L’adéquation n’apparaît pas très nettement, si ce n’est pour la France où l’adéquation n’est pas bonne, ainsi que les résultats. On peut donc conclure qu’une bonne adaptation au test n’est pas prédictive de réussite, alors qu’une mauvaise adaptation des programmes d’enseignement au test TIMSS est prédictive d’échec. On peut constater également qu’il y a une différence entre ce qui est prescrit et enseigné et ce qui est réellement appris par les élèves… Mais ça, on le savait, non ?
Voici les résultats de l’enquête servant de base à l’analyse :
Programmes scolaires et apprentissages des élèves, analyse par compétence
Un item particulier semble intéressant à analyser, il s’agit de l’item M0705 qui évalue la capacité des élèves à comparer des fractions : les scores présentent en effet un grand écart-type, ils montrent de grandes différences entre les onze pays étudiés ; de plus, on peut le considérer comme prédictif de la réussite générale des élèves.
Ce qui est évalué, comparer et ordonner des fractions, figure dans les programmes des onze pays étudiés, sauf la France. Mais avec certaines variations : au Québec, par exemple, l’autonomie des élèves devant cette tâche n’est pas exigée, certains pays se contentent de demander aux élèves de savoir comparer deux fractions, alors que d’autres, plus exigeants, prescrivent que les élèves doivent savoir placer sur une droite numérique plusieurs fractions n’ayant pas toutes le même dénominateur… On observe tout de même que dans la plupart des pays étudiés, cette compétence “comparer et ordonner des fractions” est enseignée dans la quatrième année de la scolarité.
L’analyse montre que les pays prescrivant un enseignement spécifique de cette compétence “comparer et ordonner des fractions” ont de meilleurs résultats, la prescription aurait donc une influence positive sur les résultats des élèves.
L’analyse des résultats des pays ne prescrivant pas spécifiquement cette compétence, mais exigeant, d’une manière plus générale, que les élèves aient compris la notion de fraction montre que la bonne compréhension par l’élève d’une notion ne lui permet pas d’acquérir une compétence spécifique. Plus les programmes d’enseignement détaillent les compétences à enseigner, meilleures sont les performances des élèves.
Un enseignement spécifique des compétences apparaît nécessaire à leur acquisition
L’item M0906 “Fraction of the cake left” porte sur l’addition de fractions d’une même unité. Il peut se résoudre soit par le calcul formel (une procédure enseignée), soit par une démarche personnelle (qui passe par la schématisation, par exemple).
Sur cet item, Singapour et Hong-Kong sont les plus performants, cependant seuls les programmes de Singapour détaillent que cette compétence doit être enseignée. En conséquence, on remarque que la performance des élèves des Singapour est nettement supérieure à celle des élèves de Hong-Kong (82% de réussite contre 60% pour les second).
Au delà des programmes, la performance dépend de l’enseignement effectif dans les classes.
Les chercheurs ont aussi interrogé les enseignants eux-mêmes pour chercher la place de l’enseignement de trois compétences dans la progressivité des apprentissages en usage dans leur pays :
- la notion de fraction (“partie-tout” et emplacement des écritures fractionnaires sur une droite graduée)
- l’addition, la soustraction et la comparaison de fractions
- le concept de nombre décimal
On remarque que, même dans les pays qui prescrivent l’enseignement de ces trois notions dès la troisième année d’école primaire (le CE2) les résultats sont très variables.
Le fait est que, si l’on considère ce qu’en disent les enseignants, ces notions ne sont réellement enseignées que plus tard dans la scolarité (souvent après la quatrième année). C’est donc la mise en œuvre des programmes d’enseignement dans les pays concernés qu’il faut interroger. Le réel ne correspond pas toujours au prescrit.
Finalement, l’étude réalisée à partir des items TIMSS relatifs aux fractions met au jour le lien entre les programmes scolaires et les performances des élèves qui tient à la programmation, à la durée et à la richesse de l’enseignement prescrit. Elle montre aussi que la part de variabilité des performances qui subsiste apparaît tenir, pour partie, à l’adhésion des enseignants à ces programmes scolaires.
À la lecture de ce rapport et des piètres résultats des écoliers français se posent trois questions :
- L’enseignement des fractions et des nombres décimaux à l’école débute-t-il suffisamment tôt chez nous ?
- Les programmes français de l’école primaire sont-ils suffisamment détaillés ? Permettent-ils aux enseignants d’aborder les compétences spécifiques relatives à la notion de fraction et de nombre décimal ?
- Ce qui est réellement enseigné dans les classes correspond-il aux prescriptions institutionnelles ? Les enseignants respectent-ils les programmes ?
Vous trouverez l’intégralité du rapport (40 pages) ici : http://cache.media.education.gouv.fr/file/revue_94/37/9/DEPP-EF94-2017-article-2-programmes-scolaires-apprentissage-notion-fraction-ecole-elementaire_819379.pdf
Et, en annexe, ce document qui a permis aux chercheurs d’établir un lien entre l’apprentissage des fractions et les résultats généraux en mathématiques :